Chaque année, certaines plages du Costa Rica deviennent le théâtre d’un magnifique phénomène : la ponte des œufs. Ce sont des dizaines voire des centaines de tortues qui se réunissent sur le sable à la lueur de la nuit pour pondre. Un spectacle exceptionnel qui est malheureusement menacé par des actes de vandalisme encore trop nombreux . Vol des œufs, pêche illégale, commerce de la viande de tortue, changement climatique, … Les tortues sont en réel danger d’extinction. Heureusement, plusieurs associations se mobilisent pour renverser la tendance.
Sommaire :
- Les tortues marines du Costa Rica : un processus de reproduction impressionnant
- Le changement climatique, une autre menace pour les tortues marines ?
- Et le tourisme dans tout ça ?
- Les différentes initiatives de préservation des tortues
Les tortues marines du Costa Rica : un processus de reproduction impressionnant
Le Costa Rica a la chance d’accueillir sur ses plages six des sept espèces de tortues marines qu’il existe sur terre. Ce sont : la Tortue Verte, la Tortue Luth, la Tortue de Ridley, la Tortue Caret et la Tortue Caouanne. Cette concentration exceptionnelle fait du Costa Rica l’un des meilleurs pays au monde pour l’observation des tortues, notamment lors de deux évènements majeurs de leur vie : la ponte et l’éclosion des œufs.
Le processus de reproduction des tortues est impressionnant. Elles peuvent parcourir des milliers de kilomètres pour venir pondre leurs œufs. En période de nidification, les tortues rejoignent alors les plages en pleine nuit et enfouissent leurs œufs dans le sable. Cette technique leur permet de protéger leurs œufs des autres prédateurs sauvages (poissons, oiseaux, …). De plus, cela favorise aussi l’incubation des œufs. Les dates de nidification dépendent de l’espèce et de la région.
Au bout de 8 semaines environ, les œufs commencent à éclore. Les bébés tortues se précipitent alors vers la mer pour entamer leur nouvelle vie. Sans même compter les menaces humaines, la vie d’un bébé tortue est très mouvementée. Seul un pourcentage très faible survit aux différents obstacles de la nature (violences des eaux, prédateurs, …). C’est une des raisons pour laquelle une tortue peut féconder plus de 150 œufs en une seule couvée. Il faut aussi savoir que les tortues ont un taux de reproduction très faible. En effet, certaines peuvent attendre en 40 et 50 ans avant de commencer à se reproduire.
L’action humaine : la plus grande menace pour la survie des tortues
Ces nombreux obstacles naturels viennent s’additionner à la plus dangereuse menace des tortues marines aujourd’hui : la dégradation humaine. La population globale des tortues marines diminue à un rythme alarmant. « Les 5 espèces de tortues marines que l’on retrouve au Costa Rica sont menacées par différents facteurs. La Tortue de Ridley, la Tortue Caouanne et la Tortue Luth sont classées comme vulnérables selon la Liste Rouge des Espèces Menacées de l’UICN (l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature). La Tortue Caret est considérée comme étant en danger critique d’extinction ainsi que la Tortue Verte. Toutes les espèces sont en déclin. » nous explique Nicki Wheeler, coordinatrice du volontariat de l’association Latin American Sea Turtles (LAST).
C’est une association créée en 1986 qui œuvre pour la conservation des tortues marines et de leur habitat au Costa Rica. « Il y a beaucoup de menaces naturelles bien sûr mais ce sont sans aucun doute les actions humaines qui ont eu l’impact le plus négatif sur la population globale des tortues marines. La chasse illégale, la consommation d’œuf et de viande de tortue, les activités de l’industrie de la pêche, la contamination, la destruction de leur habitat … Tous ces facteurs ont un impact. », continue-t-elle.
Depuis de nombreuses années en effet, les tortues sont victimes de nombreux sévices qui nuisent à terme à leur reproduction. Pendant longtemps, les hommes venaient dérober les œufs fraichement pondus sur la plage au petit matin. Ensuite, ils les vendaient au marché noir ou les mangeaient. Une pratique qui perdurent encore aujourd’hui malheureusement. D’autres vont chasser directement la tortue adulte. Puis, ils la commercialisent pour sa viande ou pour l’utilisation de sa carapace. La pratique de la chasse et pêche illégale des tortues est encore malheureusement très répandue au Costa Rica. Ce phénomène se retrouve notamment sur la Côte des Caraïbes. A cela s’ajoute les diverses transformations des plages. La construction de marina ou d’hôtel en bord de mer par exemple, viennent perturber les habitudes des tortues et menacent leur reproduction.
Le cas particulier d’Ostional
Si la récolte et la commercialisation des œufs est aujourd’hui illégale dans le pays, une plage fait toutefois exception. Il s’agit de la plage du Refuge Nacional de Vida Silvestre Ostional, située dans le Guanacaste, à l’ouest du pays. Elle est reconnu pour accueillir chaque année en nombre la tortue Lora. En effet, depuis 1987, la commercialisation responsable des oeufs récoltés (durant les trois premiers jours) sur la plage d’Ostional est légale ! Une condition s’impose : cela doit être vigoureusement encadrée par les autorités scientifiques. L’objectif avancé est de permettre à la communauté d’Ostional de continuer à vivre économiquement de l’exploitation des œufs. D’un autre coté, avec un dispositif contrôlé, cette commercialisation ne nuira pas à l’espèce marine.
Selon l’ADIO (Asociación de Desarrollo Integral de Ostional), 70 % des revenus de la commercialisations des œufs est alloué au développement social de la communauté. Les 30 % restants concernent le développement des services. Si certaines études (comme la UCR) ont démontré que la pratique de la commercialisation encadrée n’avait pas impacté négativement la tortue marine, certaines voix s’élèvent et déplorent des études se basant sur des données qui ne seraient plus à jour. Certains craignent également que la pratique légale encouragerait d’une certaine manière la pratique illégale, notamment sur les autres plages … Bref, un sujet à débat …
Des habitudes culturelles bien ancrées
Le plus grand combat des associations de préservation des tortues au Costa Rica est de changer les mentalités et les comportements. Comme en témoigne Manuel Sanchez, fondateur et coordinateur général de l’association en compagnie de Pascal Thomas, le commerce des œufs et des tortues est « culturel », presque historique et les habitudes ont parfois la vie dure : « Notre plus grand travail est de mieux sensibiliser et éduquer la population locale. Encore beaucoup de locaux voient la tortue comme un moyen de gagner leur vie, via la pêche ou la chasse par exemple. Or, si ça pouvait avoir un sens à l’époque, aujourd’hui non. Les gens ne meurent pas de faim, on peut éviter de manger la viande ou les œufs des tortues. C’est vraiment l’un des premiers objectifs de notre organisation, changer les mentalités. ».
Un constat que partage Nicki Wheeler (LAST) : « Dans l’histoire costaricienne, nous considérions la tortue marine comme un élément de survie. Durant les siècles précédents, le rôle de l’homme était de récupérer les œufs des tortues afin de s’alimenter, comme pour la Tortue Verte par exemple. Dans le cas de la Tortue Caret, c’était d’utiliser la carapace de la tortue comme matériel. Aujourd’hui, nous avons la responsabilité sociale et environnementale d’aider et de soutenir ces espèces ».
Un combat qui passe notamment par la sensibilisation dès le plus jeune âge. L’organisation « Tortugas Preciosas de Osa » organise en effet plusieurs ateliers dans les écoles. Ils attirent l’attention des enfants sur le problème, comme en atteste Pascal Thomas, collaborateur de Manuel Sanchez : « Le plus efficace, c’est de travailler auprès des enfants, de leur faire prendre conscience du problème. Je me souviens d’une petite fille qui pour la première fois voyait des bébés sortir des œufs. Elle a crié : Plus jamais on ne mangera des œufs de tortues ! Ce genre de réaction, c’est une petite victoire pour nous. »
Le changement climatique, une autre menace pour les tortues marines ?
Saviez-vous que le sexe de certaines espèces de tortues était directement dicté par la température du sable lors de la pondaison ? Ce phénomène s’appelle la détermination du sexe en fonction de la température. Expliqué grossièrement, si la température du sable excède les 30°, les chances pour que le futur bébé soit une femelle se multiplient. A l’inverse, si la température est en dessous des 30°, il y a de fortes de chances qu’il s’agisse d’un mâle. Avec le réchauffement climatique et la hausse lente mais bien réelle de la température ambiante, il y a un vrai risque de renverser l’équilibre de genre des tortues marines, entraînant à termes une possible extinction de l’espèce.
En outre, la pollution et la présence du plastique dans les eaux sont un véritable fléau pour les tortues marines. En effet, les tortues ont tendance à confondre les déchets plastiques perdus dans l’océan avec leur nourriture, entraînant une mort quasi certaine. Une autre menace qui vient s’ajouter à une liste déjà bien remplie.
Et le tourisme dans tout ça ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le tourisme n’est pas toujours néfaste pour la sauvegarde des tortues marines. Bien sûr, il serait mentir que de dire que le Costa Rica n’a jamais céder aux sirènes du tourisme de masse et que certains espaces de pondaison n’ont pas été endommagés par la construction d’un établissement touristique. Néanmoins, plusieurs spécialistes du terrain voient plutôt le tourisme comme un moyen de faire évoluer les mentalités.
Avis de spécialistes :
Le développement du tourisme responsable serait donc un plus pour la sauvegarde des tortues. C’est ce que nous explique Manuel Sanchez, de l’association Tortugas Preciosas de Osa : « Heureusement, sur la Péninsule d’Osa, en ce moment, nous pratiquons plutôt un tourisme responsable. Les gens sont conscients du problème, ce ne sont pas des touristes insouciants. Je sais que dans d’autres coins du Costa Rica, le tourisme peut avoir un impact négatif sur l’environnement et donc sur les tortues, avec l’usage du plastique par exemple. Mais honnêtement, sur la Péninsule d’Osa, le tourisme est plutôt respectueux de l’environnement, c’est plutôt positif ».
Un avis partagé par Roxana, présidente de l’Association ASTOP (Association Save The Turtles of Parismina) : « L’association ASTOP a débuté en 2001, dans le village de Parismina, au bord des Caraïbes, cela fait 20 ans qu’elle existe. Le projet est né de l’idée des villageois qui ont décidé de se rassembler pour sauver les tortues. La situation des tortues était terrible, on les tuait, on volait les œufs, … Les villageois ont voulu mettre un terme à tout ça. C’est à la fois un projet de préservation et également de tourisme responsable car la communauté est impliquée. (…) Nous ne voyons pas le tourisme comme quelque chose de négatif, au contraire, il nous aide beaucoup, c’est grâce au tourisme qu’on peut continuer à vivre. Les villageois n’ont plus besoin de faire du commerce illégal de tortue grâce aux recettes du tourisme, cela donne une alternative. »
Adopter un comportement responsable en tant que touriste
Mais pour que le tourisme reste positif, il faut que les touristes eux-mêmes apportent leur pierre à l’édifice. « C’est très important pour un touriste de faire une petite enquête avant de se lancer dans un tour une activité auprès de la faune sauvage, qu’il s’agisse de tortue ou d’un autre animal. Il y aura toujours des tours qui exploiteront les espèces et manipuleront inutilement les animaux. Le consommateur a la responsabilité de choisir des activités éthiques et responsables. » avertit Nicki Wheeler (LAST).
De nombreuses associations proposent des tours guidés aux petites heures de la nuit pour observer, dans le respect, la ponde des œufs. C’est le cas de l’association Tortugas Preciosas de Osa par exemple : « Nous organisons des tours pour les visiteurs où on leur présente notre travail et on leur apprend à reconnaître et observer dans le respect les tortues ainsi que le processus de fabrication de nid. Nous voulons transmettre notre travail et faire passer le message au plus grand nombre, toujours dans le respect des tortues. »
Les gestes à adopter :
Veillez à toujours rester aux côtés de votre guide et évitez de vous aventurer sur les plages seul au moment de la nidification. Les tortues marines sont très sensibles aux bruits et aux perturbations de leurs habitudes, si elles vous remarquent, il y a de fortes chances qu’elles filent illico dans l’eau. Il est important de rester silencieux, de ne pas faire de mouvements brusques et de ne pas utiliser le flash de votre caméra si vous voulez faire une photo.
Dans le même esprit, ne ramassez jamais d’œufs de votre chef, les œufs de tortue ne sont pas des souvenirs. Evitez les produits artisanaux réalisés à partir des carapaces de tortues ou les repas préparés à base d’œuf ou viande de tortue. Enfin, si vous pratiquer le snorkeling ou la plongée sous-marine et que vous avez la chance de vous retrouver nez à nez avec une tortue marine, essayez de ne pas la toucher et encore moins de la nourrir.
Les différentes initiatives de préservation des tortues
Depuis 2002, le Costa Rica dispose d’une loi de protection, de conservation et de récupération des tortues marines qui interdit notamment toute activité commerciale qui nuirait aux tortues (pêche, chasse, artisanat, cuisine, …). La recherche scientifique en relation avec les tortues marines et leur habitat fut érigée au rang d’intérêt public et plusieurs mesures ont été prises pour respecter les exigences internationales en matière de protection des tortues.
Mais le gros du travail est surtout fait sur le terrain, grâce à la mise en place de nombreuses associations comme Tortugas Preciosas de Osa, l’ASTOP ou encore Latin American Sea Turtles. Et les résultats sont là ! En seulement 1 an d’existence, l’organisation Tortugas Preciosas de Osa a réussi à sauver près de 22.000 bébés tortues, grâce à leur programme de protection des nids. Un résultat obtenu entre autre grâce aux patrouilles quotidiennes effectuées. Concrètement, chaque matin, les patrouilleurs composés de spécialistes et de bénévoles identifient les nids, les étudient et les protègent de mailles de bambou ou les déplacent vers un autre endroit de la plage ou leur propre installation au besoin.
La surveillance des plages fait aussi partie du processus, comme c’est le cas à Parismina, dans les Caraïbes : « La plus grande difficulté est qu’il n’y a aucune surveillance officielle des plages. Il n’y a pas de protection policière par exemple. Beaucoup d’œufs étaient alors volés pendant la nuit, après la nidification. Aujourd’hui, nous plaçons nos propres gardes sur les plages pendant la nuit afin de surveiller que personne ne vole les œufs. » nous explique Roxana, présidente de l’Association ASTOP.
Le volontariat pour aider à la protection des tortues
Beaucoup d’associations, comme celles citées dans cet article accueillent également chaque année des volontaires venus des quatre coins du monde afin de renflouer l’équipe de sauveteurs. Les volontaires participent ainsi à tout le processus de sauvegarde des œufs, des patrouilles nocturnes à la confection de matériel visant à protéger les nids.
Une mobilisation salvatrice mais qui ne suffit pas encore pour enrayer complètement le phénomène : « Avec protégeant plus ses plages, le pays réussit à protéger de plus en plus de nid. Mais avec le réchauffement climatique, c’est chaque année de pus en plus difficile de limiter la casse. Et récemment, la crise du Covid-19 n’a pas aidé. Nous, nous n’avons déjà plus de moyens nécessaires pour pouvoir protéger la plage. Cette année par exemple, nous avons seulement réussi à protéger un peu plus de 50 % des nids. Les conséquences, nous le verrons dans 25 ou 30 ans quand cette nouvelle génération de tortues reviendra pondre sur nos plages. » , alerte Nicki Wheeler (LAST). Un combat de longue haleine donc, mais essentiel pour la sauvegarde d’un des animaux les plus emblématiques du Costa Rica.
Relâche des bébés tortues qui ont été sauvés sur la plage de Pacuare / Source : Facebook – Latin American Sea Turtles – LAST
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