Qui n’a jamais ramassé un joli coquillage nacré ou un beau galet poli par la mer, ou même une petite fiole de sable blanc lors de ses vacances en bord de mer et l’a rapporté en souvenir chez soi ? Combien d’enfants n’ont-ils pas offert avec fierté à leurs mamans une palourde vide ou un morceau de corail échoué sur la plage ?
Ce geste peut paraître anodin tellement il est courant et pourtant il nuit grandement à l’environnement en général et aux écosystèmes côtiers en particulier. Voici quelques explications qui vous aideront à devenir un touriste responsable.
Pourquoi l’extraction de coquillages, coraux, sable, etc représente-t-elle une menace pour l’environnement ?
Les coquillages, pierres, cailloux, coraux, grains de sable, jouent un rôle essentiel dans l’équilibre des écosystèmes côtiers et ce, pour plusieurs raisons :
Coquillages vides
Les coquillages vides abritent de nombreuses espèces de mollusques et crustacés notamment qui s’en servent de maison et de bouclier protecteur. Certaines espèces migrent de coquillage en coquillage au fur et à mesure de leur croissance. S’ils ne trouvent pas de « maison » plus grande, ils meurent… C’est le cas notamment du bernard l’hermite. Au contraire du crabe, il est dépourvu de carapace et a donc besoin d’un abri pour se protéger. De plus, il change souvent cet abri en grandissant. Extraire une grande quantité de coquillages peut donc avoir pour conséquence une réduction des abris pour ces espèces…
La présence des bernard l’hermite est d’ailleurs un bon indicateur de la qualité de la plage. Ainsi, sur certaines plages comme Puntarenas, on ne voit pratiquement plus de bernard l’hermite. C’est donc la preuve du dommage environnemental subi…
Coquillages et coraux morts
Les coquillages et coraux morts font partie de la composition de la plage. Durant leur lent processus de désagrégation en sable, ils apportent des minéraux. Le bicarbonate de calcium qu’il libère est par exemple indispensable tant pour réguler l’acidité de l’eau que pour nourrir certains animaux et plantes. Sans coquillages, donc, la composition de la plage et des sols marins s’en trouvera modifiée. Or cette calcification marine est essentielle aux récifs coralliens. Elle est également capitale pour de nombreux organismes qui se trouvent à la base de la chaîne alimentaire. Ce qui signifie que toutes les autres créatures marines dépendent de ces organismes.
La quantité et la composition du sable peut affecter certaines espèces tant marines que terrestres pour lesquelles le sable de la côte participe à leur cycle de vie. C’est le cas, par exemple des tortues marines dont le processus reproductif est étroitement lié aux plages. En effet elles reviennent chaque année pondre sur les plages où elles ont vu le jour. Changer la composition du sable modifiera les conditions de reproduction des espèces qui en dépendent. Réduire la taille de la plage par l’extraction de sable est un autre facteur d’altération de cette reproduction. Si une tortue n’arrive pas à creuser son nid suffisamment profond, elle devra changer d’endroit pour en former un autre. Dans le cas extrême, elle pourrait même avorter la ponte.
Les risques
Un changement de la composition des plages et des sols marins peut aussi affecter la houle et les courants marins. La houle génère un renouvellement de sol. Elle apporte aussi de nouveaux nutriments au fond marin qui vont alimenter de nombreuses espèces. Un changement dans la quantité de sable présente sur les côtes pourrait affecter négativement cette dynamique.
La plage sert de barrière de protection qui réduit les conséquences de phénomènes maritimes tels que les tsunamis ou les fortes marées. Une modification de la taille des plages peut donc réduire cette capacité de protection. Ces changements rendent les littoraux encore plus sensibles au changement climatique.
Bref, vous l’aurez compris, le prélèvement de ces ressources génère de graves problèmes environnementaux.
L’impact mesurée sur les plages du Costa Rica
Je suis sûre que vous vous êtes déjà dit, ou que vous êtes en train de vous dire : « Oh allez, juste un coquillage, ça ne se verra pas et ça ne va rien changer ».
Et bien si pourtant, cela change quelque chose… Et si c’est multiplié par des millions de personnes qui font le même geste ? Le changement sera d’autant plus dramatique…
Rien qu’au Cosa Rica, l’aéroport international Juan Santamaría voit défiler chaque année plus de 5 millions de passagers.
L’impact du tourisme dans cette collecte des coquillages
Depuis 2015, un groupe d’étudiants de l’Université du Costa Rica (UCR), conjointement avec le parc maritime du Pacifique, s’est donné comme tâche de quantifier les matériaux marins saisis à l’aéroport international Juan Santamaría. Le but est de mesure l’impact du tourisme étranger sur l’extraction de ces matériaux. A ce jour, on estime à une dizaine de tonnes par an les coquillages, coraux, bigorneaux, étoiles de mer et autres confisqués à l’aéroport. Les coquillages représentant plus de 40% du total.
Mais cette étude ne se réalise que sur les touristes étrangers. Or l’impact généré par le tourisme national est tout aussi important, si ce n’est plus. Mais il n’est malheureusement pas quantifiable. Pour vous donner une idée, chaque année pendant la Semaine Sainte, ce sont environ un million de Costariciens qui passent quelques jours en bord de mer. Imaginez un peu si chaque vacancier repartait avec ne serait-ce qu’un seul coquillage ou quelques grammes de sable dans sa valise… Cela sonnerait le glas de nos belles plages paradisiaques.
Des études affirment que l’augmentation du tourisme en été est en étroit lien avec la diminution des coquillages. Et la relation est de l’ordre du simple au double. Dans certains cas, il a été calculé qu’une élévation de 30% du volume de touristes va de pair avec une réduction de 60% de la présence de coquillages !
Une réintroduction en milieu naturel impossible
Cela pourrait sembler évident et facile mais il n’en est rien. En réalité, une fois extraits de leur milieu naturel, ils perdent tout lien avec celui-ci et ne remplissent plus leur mission dans le cycle de vie de leur écosystème d’origine, En outre, il est extrêmement difficile de déterminer avec exactitude d’où ils proviennent. Par conséquent, il est quasiment impossible de les réintroduire dans leur milieu naturel.
En 2015, à la suite du travail de la UCR et du parc maritime Pacifique, les matériaux saisis ont été utilisés à des fins de recherche et d’enseignement. Cela a permis au laboratoire de Biologie de l’Université de réaliser une importante collection de sable, minerais, mollusques, fossiles et bien sûr coquillages. Ce catalogue constitue depuis une aide précieuse à la Recherche. Il a également été utilisé lors d’expositions au grand public pour créer une prise de conscience sur la mise en danger de la biodiversité.
Depuis 2015 cependant, les matériaux saisis à l’aéroport sont systématiquement triturés. Ils pourraient servir comme matériel de remplissage alternatif pour la construction. Car pour le moment, il n’a pas encore été trouvé de solution viable économiquement pour permettre de les réintégrer, il n’existe donc pas d’autre alternative que de les détruire.
Pour freiner la détérioration des milieux naturels maritimes et côtiers, il faut donc agir sur les causes du problème…
la nouvelle campagne de sensibilisation lancée par l’aéroport international Juan Santamaría :
« Nature belongs here, just take memories. #Listen to the sea »
Le 12 février dernier, AERIS, la compagnie qui administre l’aéroport international Juan Santamaría, et la Fondation Neotrópica ont lancé une nouvelle campagne pour alerter les touristes sur les conséquences de l’extraction des ressources marines et l’illégalité de cette pratique[1].
La campagne, intitulée « Nature belongs here, just take memories » (qui pourrait se traduire par « laisse la nature à sa place et n’emporte que des souvenirs », dans le sens de mémoire) vise à informer les touristes nationaux et internationaux et diminuer ainsi le prélèvement des coquillages et autres sur les plages costariciennes et dans le monde en général.
Actions de prévention
“Avec la campagne “laisse-nous la nature et n’emporte que des souvenirs. #Listen to the sea », nous nous alignons sur les stratégies de conservation nationale, grâce à une plateforme éducative qui cherche à toucher les quelque 5,4 millions de passagers qui transitent par le terminal principal, dans ce qui est peut-être leur première ou dernière impression du pays. Nous voulons profiter de chaque espace pour exprimer cet engagement environnemental » déclarait Adriana Bejarano, chef de du département Environnement, Santé et Sécurité de AERIS, dans un communiqué de presse.
[1] Au Costa Rica, le prélèvement de coquillages et autres ressources naturelles est considéré comme trafic illégal de vie sauvage, sanctionné par des amendes allant de 550 US$ à 8000 US$ et des peines de prison de 1 à 6 mois.
Mais bien plus qu’une plateforme, cette campagne espère aussi réunir des fonds grâce aux boites aux lettres de collecte placées dans l’aéroport. Ces fonds permettront de financer des programmes de bio-alphabétisation dans des écoles situées dans des zones à vulnérabilité socio-environnementale. A travers des ateliers didactiques dispensés par la Fondation Neotrópica, les enfants auront l’opportunité de s’éduquer sur ce thème dès le plus jeune âge.
Avis de Bernard Aguilar, le directeur exécutif de la fondation Neotrópica.
« Beaucoup d’adultes ont grandi sans connaître les conséquences générées par l’extraction d’un seul coquillage de la plage, c’est pour cela que nous prenons d’une part l’initiative de sensibiliser le tourisme adulte, et d’autre part la responsabilité d’éduquer les enfants de communautés urbaines marginalisées, à travers des programmes éducatifs qui se réaliseront grâce à la générosité des donateurs »
Les visiteurs trouveront des tirelires dans l’aéroport et dans les boutiques La Gloria. Il est également possible de faire un don sur le site de la Fondation www.neotropica.org/listentothesea.
En outre, la campagne compte aussi sur la participation de trois marques nationales de créateurs – Holalola, Nomellamo y Jess Tales – qui ont conçu des produits exclusifs pour emporter des souvenirs du Costa Rica qui ont du sens…
Bref, lors de vos prochaines vacances en bord de mer, soyez #touristes responsables, prêtez attention aux campagnes d’information, ne touchez qu’avec les yeux 😉 et n’emportez que des photos en souvenir, ça ne coûte rien et ça se conserve bien plus longtemps !
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