Depuis quelques mois déjà, le coronavirus fait la une l’actualité, que ce soit en Europe ou au Costa Rica. Une crise sanitaire sans précédent, qui laisse déjà des traces dans l’économie de ce pays d’Amérique Centrale. La fermeture des frontières et l’interdiction des rassemblements affectent de nombreux secteurs économiques, comme le tourisme ou la restauration, occasionnant des milliers de pertes d’emploi. Quel est l’impact du coronavirus au Costa Rica ? Comment ces familles font-elles face ? Portrait croisé de plusieurs professionnels du tourisme directement impactés par le Coronavirus et ses conséquences …
Sommaire
- Une crise économique sans précédent
- L’emploi informel, l’autre aspect de la crise
- « Une saison zéro »
- Des craintes pour le futur : vers une crise sociale ?
- Le gouvernement à la rescousse de l’économie ?
- « Con vos Podemos » : un exemple d’élan solidaire
- Le confinement : une occasion de se réinventer ?
- « Dream now, Travel later » : le message pour les touristes étrangers
Une crise économique sans précédent
La crise du coronavirus n’épargne malheureusement pas le Costa Rica. Au niveau sanitaire, la situation, à l’heure où nous écrivons ces lignes, reste sous contrôle (environ 700 cas reportés et 5 décès). Cependant, on ne peut pas en dire autant du volet économique. Selon l’Organisation Internationale du Travail, les secteurs du tourisme et de l’alimentation sont parmi les secteurs les plus durement touchés par la crise. Or, on le sait, l’industrie touristique est l’un des piliers centraux de l’économie costaricienne. Ces dernières années, elle s’est imposée comme l’industrie rapportant le plus de revenu au PIB du Costa Rica. Ce secteur emploie plus de 200.000 personnes. Pour nous faire une idée, en 2019, le pays a accueilli près de 3,1 millions de touristes sur son territoire. Un chiffre considéré comme impressionnant quand on sait que le Costa Rica compte seulement 5 millions d’habitants.
Mais ça, c’était avant l’arrivée du Coronavirus. On annonce une chute de 90 % des réservations pour la période actuelle. Il s’agira de la pire diminution du secteur touristique de son histoire. Rien qu’à la mi-mars, les hôtels ont enregistré l’annulation de plus de 8000 nuits réservées. Et la situation ne va pas en s’améliorant… Avec la pandémie et les restrictions sanitaires qui l’accompagnent, certaines études estiment une perte de près de 800.000 touristes. Cela représente 1 milliard de recettes et surtout 150.000 jobs menacés.
OMT
Selon une étude du l’Organisation Internationale du Travail, le coronavirus réduirait pas moins de 6,7 % des heures de travail dans le monde rien qu’entre avril et juin. C’est l’équivalent d’une perte de 195 millions d’emploi à temps plein. Une catastrophe économique qui serait, selon plusieurs experts, la crise mondiale la plus sévère depuis la seconde guerre mondiale.
L’emploi informel, l’autre aspect de la crise
Si vous avez déjà eu la chance de voyager en Amérique Latine, vous aurez certainement remarqué l’importance des commerces « de rue ». Spécialités locales, snacks, jus de fruit, artisanat, … Les commerces de rue sont partout et nombreux. Les travailleurs vivent de ces activités et possèdent souvent aucune protection sociale. Rien qu’en Amérique Latine et Caraïbes, on recense environ 140 millions de personnes travaillant dans ces conditions. C’est donc 54 % des travailleurs. Avec 39 % de sa population à travailler de manière « informelle », le Costa Rica ne fait pas exception. Avec des mesures sanitaires interdisant les rassemblements et limitant les déplacements, ce sont donc des milliers de travailleurs qui se retrouvent soudainement sans revenu et sans aucune couverture sociale.
« Une saison zéro »
Une situation inédite qui affecte toutes les structures touristiques sans exception. Tous sont impactés : la petite finca écotouristique aux logements hauts de gamme en passant par les sociétés de transport ou les guides.
« A cause de la situation du Covid-19 et de l’arrêt du tourisme, toutes nos prestations se sont arrêtées. Nous sommes en pleine saison zéro. Depuis le 16 mars, nous avons dû nous séparer de tout le personnel qui collaborait avec notre entreprise. Ce qui fait que nos collaborateurs n’ont plus aucun revenu pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille (alimentation, locations, crédits,…). » nous confie Mario Campos, représentant de la compagnie de transport Ride CR, principalement dédiée aux déplacements touristiques.
Précisons en effet que, contrairement aux systèmes que nous connaissons en Europe notamment, les costariciens ne bénéficient pas d’allocations de chômage en cas de perte d’emploi. La non-activité professionnelle entraîne donc une perte totale des revenus. Certains anciens travailleurs plongent donc dans une grande précarité.
Les exploitations familiales touchées par la crise sanitaire
Parfois, les activités touristiques sont d’ailleurs affaire de famille. C’est le cas de la Finca Sura, structure de tourisme communautaire qui accueille les touristes dans leur ferme. Ils les invitent à goûter les produits cultivés sur place. « Nous sommes une famille de fermiers. Au moins 5 des 8 enfants, plus les parents, dépendent directement de cette source de revenu. Sans compter 4 employés externes que nous avons du renvoyer chez eux. » précise Margarita Gomez, l’une des sœurs de la fratrie. « Heureusement, nous n’avons aucune dette. Nous pouvons aussi consommer les aliments que nous cultivons dans la finca, sinon ce serait très difficile », poursuit-elle.
Les expatriés affectés par la crise sanitaire
Les expatriés ne sont pas épargnés non plus par la crise, comme en témoigne Steve Young, gérant de l’établissement Manoas. Lui propose des tentes et des chalets de luxe dans la région d’Uvita : « A cause de la situation, nous avons connu une vague d’annulation. Cela a entraîné plus de 30.000 dollars de crédits de voyage, de changements de dates et de remboursements. L’impact financier de notre fermeture est immense. »
Une expérience partagée également par Eric, co-gérant avec son épouse du Bed and Breakfast Finca Mei Tai. Ils sont arrivés de Belgique il y a maintenant 6 ans : « Le Covid-19 nous a affecté dans la mesure où nous ne pouvons plus accueillir aucun client. C’est comme si nous étions fermés. Vu que c’était notre unique source de revenu, c’est un peu inquiétant. (…) A terme ça va finir par devenir un problème car nous avons trois enfants qui sont à l’université. Il faut donc continuer à payer leur étude et leur logement à San José. »
Des craintes pour le futur : vers une crise sociale ?
L’un des aspects les plus anxiogènes de cette crise réside dans son incertitude. Combien de temps va-t-elle durer ? Jusqu’à quel point celle-ci va affecter l’économie du pays ? Les professionnels du tourisme craignent que cette crise sanitaire et économique vire en une véritable crise sociale : « La conséquence la plus grave pour le pays serait que la situation perdure dans le temps et que l’état n’ait pas assez d’argent pour aider les personnes les plus vulnérables », témoigne Jolanda Hess, gérante de l’établissement Las Caletas Lodge, un hôtel isolé entre mer et forêt, uniquement accessible par les eaux, « Ça pourrait entraîner des mouvements sociaux ».
Une crainte que partage Eric, le gérant de la Finca Mei Tai : « Le tourisme est un secteur important pour le Costa Rica et l’absence totale de rentrée est un gros handicap pour le pays, qui va se traduire certainement par un manque de moyen au niveau national. Et en général, quand il y a un manque de moyen au niveau national, ceux qui en pâtissent, ce sont les plus pauvres. Je crains que toute une série de mesures sociales qui avaient été mises en place pour justement permettre à ceux qui ont le moins d’argent de survivre ne soient rabotées pour des raisons économiques. Ce qui créera un écart encore plus grand entre les riches et les pauvres ».
Margarita Gomez, de la Finca Sura, soulève également un point important, l’inégalité face à l’éducation : « Nous travaillons dans la région de Sarapiqui, une zone rurale qui dépend beaucoup de la vente de produits agricoles et du tourisme. (…) La communauté possède seulement une petite école avec 28 élèves aux ressources limitées, sans accès à internet par exemple. Impossible pour eux de recevoir des cours virtuels à domicile. C’est évident que la majorité des familles de la communauté va être affectée. (…) A long terme, cela pourrait augmenter la délinquance et la criminalité ».
Le gouvernement à la rescousse de l’économie ?
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Fin mars 2020, le président du Costa Rica Carlos Alvarado annonça un projet de loi visant à dégager un budget de 225.000 millions de colones (soit un peu plus de 360 millions d’euro) afin d’aider financièrement près de 375.000 familles qui seraient directement affectées par la crise du Coronavirus à cause d’une perte d’emploi ou d’une réduction de travail. Le président a également annoncé qu’en cas de nécessité, un projet de loi visant à créer un « impôt solidaire » imputé aux salaires supérieurs à 1,1 millions de colones (environ 1775 euro) serait étudié, avec pour objectif d’être redistribué aux personnes les plus démunies par la crise.
D’autres mesures telle que le moratoire temporel des crédits ont été annoncées. Néanmoins pour l’heure, les principaux concernés ne semblent pas profiter d’aides financières : « Pour le moment, nous n’avons eu aucune aide extérieure » nous indique Mario Campos, de la société Ride CR.
Un constat confirmé par la gérante de Las Caletas Lodge : « Mis à part quelques sursis pour payer différents impôts, nous sommes seuls » ainsi que par le gérant de la Finca Mei Tai : « Il y a une série de mesures qui ont été mises en place par le gouvernement en effet, mais à ce jour, aucune ne nous concerne. (…) Il n’y a rien qui semble pour le moment de nature à nous aider, à part quelques mesures qui selon moi ne changent pas grand chose. On peut payer notre IVA (impôt sur la valeur ajoutée) avec trois mois de retard, mais il faudra quand même la payer, et dans trois mois, les choses ne seront pas rentrées dans l’ordre financièrement. Donc non, en gros, on est tout seul à se débrouiller et à faire face. »
« Con vos Podemos » : un exemple d’élan solidaire
Des habitants complètement livrés à eux-mêmes ? Ce n’est pas tout à fait vrai. Comme en Europe, le Costa Rica voit fleurir depuis plusieurs semaines diverses initiatives solidaires afin de venir en aide aux plus démunis. « Dans notre région, dans la Péninsule d’Osa, plusieurs campagnes de collectes de vivres ont été organisées pour être redistribuées aux personnes qui en ont besoin », nous indique Jolanda Hess (Las Caletas Lodge).
Un élan de solidarité organisé également à l’échelle nationale avec le lancement notamment de la campagne « Con vos Podemos » (Avec toi, on peut). Née de la collaboration entre le Gouvernement, l’Association des Banques Costariciennes, la Fédération des Coopérations d’Epargne et de Crédit et l’opérateur téléphonique Kolbi, la campagne « Con vos Podemos » a pour objectif d’utiliser les plateformes des banques publiques et privées afin de recevoir des dons qui seront ensuite redistribués sous forme de provisions essentielles aux familles vulnérables comme des aliments ou des kits d’hygiène. Les paquets arriveront directement aux domiciles des bénéficiaires, afin d’éviter tout rassemblement et donc toute contagion. Les vivres distribuées seront achetées directement auprès de producteurs locaux et petits commerces, afin de redynamiser l’économie locale.
Comment faire une donation ?
Les costariciens qui souhaitent participer à cet élan de solidarité pourront faire un don directement auprès des banques impliquées sous forme d’un virement, en colones ou en dollars. Si vous aussi vous êtes intéressés et que vous voulez contribuer à cette élan de solidarité, n’hésitez pas à contacter Arawak Experience, on se chargera de faire les démarches.
Le confinement : une occasion de se réinventer ?
Une chose est sure, l’arrêt soudain de toute activité libère du temps. Du temps pour effectuer quelques petits travaux longtemps remis aux lendemain notamment. C’est le cas de l’hôtel Manoas par exemple : « On utilise ce temps pour faire quelques améliorations, comme repeindre des murs, ajouter quelques nouvelles fonctionnalités ou réparer certains objets qui demandent plus de temps. On espère que toutes ces améliorations pourra permettre une meilleure expérience pour nos clients une fois que l’hôtel sera rouvert ».
Mais ce nouveau temps libre peut être aussi l’occasion de réfléchir à d’autres stratégies, d’autres potentielles sources de revenu, comme en témoigne la société de transports Ride CR : « Pour le moment, nous maintenons notre ligne de travail initiale et tâchons de réaliser toutes les petites améliorations que nous pouvons faire en interne. Cependant nous étudions sérieusement la possibilité d’élargir notre influence et offrir nos services aux institutions gouvernementales par exemple car le tourisme, pour le moment, a un futur plus qu’incertain. »
Avis de gérants de Finca sur la crise et l’avenir
Une envie de diversité partagée par les gérants belges de la Finca Mei Tai, mais qui nuancent : « On savait depuis le début que faire une activité comme la notre qui dépend exclusivement du tourisme n’est pas sans risque si un problème se présente. On ne s’attendait pas à un problème aussi soudain et violent que celui qu’on connaît pour l’instant mais on savait qu’on était un peu trop dépendant du tourisme. Depuis longtemps, on cherche des voies pour se diversifier, via le développement d’une activité cacao/chocolat par exemple ou via des activités plus agricoles comme de la pisciculture et de l’élevage, mais ce sont des choses qui se mettent en place doucement, qui prennent du temps. (…) Et sans rentrée, ce n’est pas le moment d’entreprendre des travaux. Tout ça coute de l’argent et le problème en ce moment, c’est qu’on a pas d’argent. »
Pour Margarita Gomez, de la Finca Sura, l’évolution doit être plus globale, à l’échelle de l’humanité : « Je pense que l’on devrait tous changer nos habitudes et notre manière de voir le monde, s’intéresser un peu plus à ce qui se passe chez le voisin. Voir que nous ne sommes pas seuls au monde et surtout prendre plus soin de la nature et de notre planète ».
Un changement d’attitude qui pousserait à termes les touristes à se diriger vers des formes de tourisme plus responsables. C’est en tout cas ce qu’espère Jolanda Hess, gérante de l’hôtel Las Caletas : « Nous pensons que le voyageur post-Covid-19 va chercher un tourisme responsable, avec un minimum d’impact environnemental. C’est en tout cas ce type de tourisme que nous essayons de pratiquer aujourd’hui. »
« Dream now, Travel later » : le message pour les touristes étrangers
« Il ne faut pas abandonner nos efforts, cette mauvaise période finira par passer et un jour, nous applaudirons et nous nous embrasserons en repensant presque avec nostalgie à cette année où une goutte de salive fut plus mortelle qu’une balle » , confie Margarita Gomez (Finca Sura).
Un message que soutient la gérante de Las Caletas : « Dream now, Travel later / Dot not cancel, Postpone ! Le Costa Rica est un pays magnifique peuplé de gens très sympathiques. Après cette crise, nous aurons besoin plus que jamais du soutien des voyageurs. Nous les invitons à venir dans ce beau pays y profiter de ses plages, des montagnes et ses volcans. On fera tout ce qu’on peut pour que nos clients se sentent toujours en sécurité. PURA VIDA ».
Le message est passé !
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2 Comments On Le Costa Rica à l’épreuve du Coronavirus
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